Sources : Le site consacré à Jeremy Brett
27 (3- 1) : La disparition de Lady Frances Carfax (The disappearance of Lady Frances Carfax
28 (3- 2) : L'Énigme de Thor Bridge (The Problem of Thor Bridge)
29 (3- 3) : Le Mystère de Shoscombe (Shoscombe Old Place)
30 (3- 4) : Le Mystère de la Vallée (The Boscombe Valley Mystery)
31 (3- 5) : L'illustre client (The illustrious Client)
32 (3- 6) : Le Mystère de l'anthropoïde (The Creeping Man)
Le choix des histoires dans cette saison, s'avèra plus délicat. A partir de 1991, les meilleures ont déjà été traitées.
Les œuvres originales de Conan Doyle ne sont plus si scrupuleusement respectées. Il faut, à la fois, trouver les nouvelles les plus adaptables, nécessitant un moindre coût, faciles à tourner en extérieur et présentant un intérêt dans l'art de la déduction.
Certains épisodes restent proches du Canon (L'Enigme du pont de Thor) d'autres sont très remaniés (La disparition de Lady Francès Carfax) et étoffés, car les nouvelles sont trop courtes (Le mystère de l'Anthropoïde où l'enquête parallèle sur la disparition des singes a été inventée). Un climat étrange et mystérieux imprègne en particulier ces deux épisodes.
Les problèmes de santé de Jeremy vont malheureusement de plus en plus conditionner la réalisation des Archives. Mais malgré cela, elle reste d'excellente facture.
Après une longue pause, Sherlock Holmes revient devant les caméras à partir de Février 1991, dans l'épisode "La disparition de Lady Frances Carfax".
Son interprète apparaît visiblement marqué. Il joue Holmes avec plus de gravité et d'intériorité.
Dans ce premier épisode en particulier, Holmes apparait posé, plus cérébral. Plongé dans une réflexion intense il n'articule pas un mot avant de longues minutes.
Son visage laisse paraître une sensibilité à fleur de peau. Ses sentiments positifs ou négatifs et ses réactions s'expriment naturellement.
Holmes se montre concerné, voire compatissant, à l'écoute des autres, victimes ou criminels (L'Énigme du Pont de Thor, Le Mystère de la Vallée L'illustre client).
Heureusement le détective affiche encore agilité et entrain. Il tire à l'arc, grimpe sur le parapet du Pont de Thor, s'affaire au bord de l'étang de Boscombe…Il reste toujours vif dans ses gestes et ses éclats de voix et n'a rien perdu de son humour.
Holmes reste très actif intellectuellement. Son pouvoir de déduction fonctionne à merveille. Le détective parvient à découvrir le danger qui menace Lady Carfax sans bouger de chez lui, à dresser un portrait magistral du meurtrier dans "Le mystère de la Vallée" ou reconstituer la machination morbide du Pont de Thor.
Réflexion, psychologie, dialogues riches et monologues explicatifs, donnent un ton plus intellectuel à ces épisodes.
Le duo se complète parfaitement. La toute puissance cérébrale de Holmes s'allie à un Watson actif plus décisionnaire qu'à l'accoutumée qui prend des initiatives et sort même de ses gongs (La disparition de Lady Frances Carfax). Ce qui est un comble pour le flegmatique docteur !
Les rôles secondaires sont plus élaborés et développés avec soin dans leur contexte familial et social. Le côté historique est mis en valeur et dresse un tableau très intéressant de la société victorienne et de son évolution aux portes du 20ème siècle. Jeremy se passionnait également pour les sujets de société et de classes sociales.
Dès 1989, les problèmes budgétaires se firent sentir. Granada TV dut procèder à des restructurations, comme l'ensemble de la télévision britannique, les dirigeants et les équipes changèrent. Il devint difficile de préserver les critères de qualité des débuts de la série. Les relations et la solidarité entre les équipes - technique, production, réalisation... - qui formaient une vraie famille - ne furent plus tout à fait les mêmes.
A la fin de la saison, Michael Cox devait préparer et financer sa production sans savoir si Jeremy serait capable d'assumer son rôle…
Résumé : En vacances dans le Lake District, Watson envoie des nouvelles épistolaires à son ami resté à Baker Street. Il lui décrit avec acuité le microcosme de l’hôtel, tandis que Holmes reconstitue les scénettes avec des figurines.
Lady Frances Carfax est une femme fascinante. Solitaire et excentrique, en butte aux moqueries de la petite communauté, mais peu soucieuse de l’opinion d'autrui, Watson ressent néanmoins chez elle une profonde détresse. A plusieurs reprises, elle est bouleversée à la vue d’un ténébreux barbu, qui semble l’épier.
Holmes pressent un danger imminent. Il enjoint Watson d'être vigilent jusqu'à son arrivée. Trop tard… le docteur découvre son ami, la mine grave, fouillant la chambre de Lady Frances. Elle a disparu !
Le mystérieux barbu se révèle être Philip Green, ancien prétendant de Lady Frances, revenu pour faire son bonheur. Son concours est le bienvenu. La menace vient en réalité du prétendu major Shlessinger.
Holmes a mis au jour ce criminel qui, sous des pseudonymes, séduit les femmes seules et fortunées, en jouant la corde de la religion et de la charité. Lady Frances Carfax est sa prochaine victime. Le temps presse. Quand Sherlock Holmes a enfin la révélation de toute l'affaire, pourra t-il encore la sauver ?
Après 18 mois d'interruption, le tournage des nouvelles séries de Granada, « Les Archives de Sherlock Holme »s, reprit au printemps 1990.
Les deux acteurs avaient fait une pause bien méritée, à la suite de la pièce "The Secret of Sherlock Holmes" - 1 an au Wyndham's Theatre (octobre 1988-89), puis 3 mois en tournée.
Pour ce premier épisode, Jeremy eut, selon son partenaire, un peu de mal à réinvestir son personnage face à la caméra.
A peine remis d'une hospitalisation, Jeremy souffrait toujours de sa maniaco-dépression et Edward Hardwicke remarqua qu'il n'était pas lui-même, abattu et sous l'emprise des médicaments : « Je ne l'avais jamais vu aussi hésitant et peu sûr de lui pendant les dix premiers jours de répétition, préoccupé par ses lignes et la façon de les dire. Parce que son débit était celui d'une mitrailleuse, il devait se sentir absolument parfait avec les mots, et ce fut la seule fois où je le vis batailler. Mais au final il fut excellent. Dès que le tournage commença, il était en forme. Plus tard, il me raconta qu'il avait été malade et vraiment très "bas". »
De ce fait, le Holmes de Jeremy est plus introverti et sombre, en résonance avec ses propres problèmes.
En peine de ses remarquables capacités, Holmes semble angoissé et abattu. Doutant de lui, culpabilisant, Holmes révèle sa psychologie fragile et dépressive, en particulier dans les dernières scènes.
Il confie à Watson : « Je n’avais encore jamais souffert d’une telle éclipse de mes facultés » et craint même de les avoir définitivement perdues...
Adapter de bonnes histoires devenait problématique après la diffusion de 26 épisodes. Les meilleures déjà tournées, Michael Cox connut beaucoup de difficultés, en particulier avec « La disparition de Lady Frances Carfax » et « Le Mystère de l'anthropoïde ».
Dès le début de l'épisode, le contraste est marqué entre les deux compères. Le silence de Holmes, la narration de Watson; la réflexion et l'action; la réclusion et les grands espaces; la solitude et la communauté… Malgré l'éloignement, ils restent très proches et complices. Car cette opposition marque également une complémentarité. Le duo forme la tête et les jambes en quelque sorte !
Dans cet épisode, Holmes étant moins actif, Watson prend le relais. Il veut s'investir dans l'enquête. Il prend des décisions, se montre énergique, parfois impulsif quitte à regretter ensuite sa conduite.
Pour une rare fois, le tempéré docteur perd son sang-froid, en se jetant à la gorge du barbu dans la banque. Watson dévoile un aspect plus agressif de sa parsonnalité - dès son séjour à l'hôtel, et vindicatif, n'hésitant pas au cimetierre, à tirer sur le major Schlessinger ...
Ses réactions, très humaines, s'expliquent, car il s'est lié d'amitié avec Lady Frances et se sent personnellement impliqué dans sa disparition. D'où son impatience quand il précipite les évènements et se pose en contradicteur avec Holmes. Le détective a le recul nécessaire pour appréhender la vérité.
Résumé : Sherlock Holmes a enfin trouvé une nouvelle affaire. J. Neil Gibson, ancien sénateur des Etats-Unis et richissime propriétaire de mines d'or, le presse d'intervenir pour prouver l'innocence de la préceptrice de ses enfants, Grace Dunbar, accusée d'avoir tué sa femme.
Le jugement est imminent et l’affaire semble entendue. Les faits accablent la jeune femme, une lettre signée de sa main et le revolver caché dans sa chambre. Le "Roi de l’or" refuse tout net de coopérer avec le détective et d'avouer ses sentiments amoureux pour la gouvernante. Il claque la porte écumant de rage. Son majordome Marlow Bates, le décrit d'ailleurs comme un homme violent, un scélérat détesté par tous.
Sa femme Maria, d’origine brésilienne, l'aimait passionnément malgré les sévices et les négligences. L’enquête s’annonce difficile.
Après sa visite en prison, Holmes est vite convaincu de l'innocence de Grace Dunbar. Mais quelles preuves apporter à temps pour la sauver de la corde ? La solution de l'énigme se trouve sur le pont de Thor, où Sherlock Holmes devra reconstituer la mise en scène de la mort de Maria Gibson.
Deuxième épisode tourné de la saison, la scène d'ouverture présente, comme souvent, les protagonistes sur les lieux de la tragédie à venir, installant d'emblée l'intensité dramatique.
On retrouve ensuite Holmes et Watson dans un échange animé à Baker Street et le détective émoustillé par sa nouvelle affaire.
Le film propose une énigme originale et retorse, conçue par Conan Doyle, le sujet du crime passionnel rarement abordé, la vengeance aussi terrible qu'aveugle qui impliquant des innocents et des aspects plus sentimentaux, des personnages forts aux sentiments exacerbés et le cadre magnifique du domaine du Roi de l'or.
Dans cet épisode Jeremy joue aux côtés de Daniel Massey (1933-98) qui interprète Neil Gibson. Il fut un temps son beau-frère alors qu'il était marié à sa première femme, l'actrice Anna Massey (24 Mai 1958-1962).
Il est le fils de l'acteur shakespearien Raymond Massey et de l'actrice britannique Adrianne Allen. Daniel et sa soeur Anna ont passé la majeure partie de leur enfance à Londres avec leur mère, après le difficile divorce de leurs parents quand ils étaient très jeunes. Leur père retourné aux États-Unis, a réussit une formidable carrière.
Raymond Massey est connu des holmésiens pour avoir incarné Sherlock Holmes dans une adaptation du « Ruban Moucheté » de 1930. Il a rarement été présent pour ses enfants. Anna dit avoir vu son père peut-être six fois au cours de toute sa vie.
Résumé : Sherlock Holmes fait appel aux connaissances du milieu turfiste de son ami Watson. L'entraîneur de chevaux de course John Mason, sollicite son aide au sujet des évènements inquiétants qui se produisent à Shoscombe Old Place.
Au bord de la ruine, Sir Robert Norberton est sur les nerfs depuis qu'il sait que son avenir dépend entièrement du classement de son cheval Prince, dans le Grand Prix des Champions. Brusquement son comportement a changé. Il semble plein de rancœur envers avec sa sœur Lady Beatrice et s'est même débarrassé de son chien Jasper, en le confiant à l’auberge du Dragon-Vert.
Lady Beatrice a soudainement renoncé à ses habitudes et passe près des écuries sans jamais un bonjour. Sir Robert vient aussi de renvoyer sans raison le jeune palefrenier Joe Barnes à peine embauché.
Mais le plus grave est la mystérieuse disparition de son principal créancier Samuel Brewer. John Mason est persuadé que Sir Robert l'a assassiné et qu'il se débarrasse du corps dans la chaudière du sous sol, où des ossements humains ont été retrouvés !
L'aide de Jasper, la rencontre avec Sandy Bain le jockey de Prince et une fouille minutieuse de Shoscombe Hall, mettent Sherlock Holmes sur la piste.
Le dernier acte aura lieu dans la crypte de la chapelle en ruines. Sir Robert voulait cacher quelques temps le décès de sa sœur afin d'éviter la saisie de ses biens, et permettre à Prince de gagner le Derby et le sauver d'une ruine absolue.
Anecdotes : Robin Ellis dans le rôle de Sir Robert Norberton, surnommé le "daredevil rider" a joué aux côtés de Jeremy dans le téléfilm « The Good Soldier » de Granada TV, en 1981.
Il est également apparu dans un des épisodes de la série « Les Rivaux de Sherlock Holmes », diffusée sur la Cinquième chaîne et dont un des scénaristes, Alexander Baron fait partie de l'équipe Granada.
Un rôle, qui n'existe pas dans la nouvelle, celui du palefrenier Joe Barnes, nous fait découvrir le jeune Jude Law dans l'une de ses toutes premières prestations. Il est devenu depuis la star que l'on connaît.
L'épisode respecte fidèlement la nouvelle de Conan Doyle. Dans cette histoire le travail d'investigation du détective est assez restreint. Beaucoup d'indices et d'informations lui sont déjà fournis par Watson, un véritable "guide pratique du turf" qui connaît bien sir Robert Norberton et Shoscombe Old Place, puis par John Mason qui a fait sa propre enquête en amont.
Ce dernier pose les questions auxquelles le détective apportera finalement chaque réponse par ses déductions logiques.
Les supputations premières s'avèrent, comme souvent, erronées et Holmes montre de nouveau toute son habileté en reconstituant l'enchaînement des évènements. Ses hypothèses sont confirmées grâce au seul "test" de Jasper.
Comme dans « Le cycliste solitaire », le brave Watson se risque à arrêter l'attelage et manque de se faire renverser à son brusque départ !
Résumé : Sherlock Holmes est appelé par Miss Alice Turner pour qu’il vienne disculper son ami d’enfance et prétendant, James Mac Carthy, que tout semble accuser du meurtre de son propre père. On les a vu se disputer violemment près de l’étang de la Vallée de Boscombe, mais il clame son innocence. Il prétend avoir entendu un cri après avoir quitté son père, et l'avoir découvert le crâne fracassé.
A l’audience préliminaire, le jeune homme refuse maladroitement d’avouer le motif de sa querelle, ce qui le condamne sans appel.
Arguant qu’on ne peut inventer défense aussi incohérente, Holmes décide de l’aider et est vite persuadé de son innocence.
L'enquête minutieuse permet de définir les caractéristiques de l'assassin. Grand, gaucher, boitant du pied droit, portant des chaussures à bout carré, fumant des cigares indiens avec un fume-cigare.
« Le Mystère de la Vallée » est une histoire forte, qui illustre un des thèmes récurrents chez Conan Doyle, la faute commise dans la jeunesse, un homme à la merci d'un autre et qui entraîne une vengeance aussi terrible qu'aveugle en impliquant des innocents.
Mais comme la plupart de ses nouvelles, elle est liée à des flash-back relatifs à une autre époque et un autre lieu.
Sherlock Holmes révèle sa part d'humanité et sa compassion, en choisissant la solution la plus humaine à ses yeux. Une fois encore Holmes se substitue à la loi et la contourne en dissimulant un témoignage capital. Il s'élève également contre l'aspect expéditif de la justice de campagne, qui emprisonne James sans preuve et se montre dictatoriale en la personne du coroner.
Habilement scénarisé, l'épisode offre également un peu de légèreté dans la noirceur de l'intrigue.
Quelques scènes, tout à fait réjouissantes, détendent l'atmosphère : le fou rire de Holmes et Watson dans la calèche ou la scène jouissive au bord de l'étang.
Sherlock Holmes se jette à terre, examine les traces, flaire les indices, progresse en reptation dans la boue...
Devant ce spectacle, ses deux compagnons hilares, ne peuvent réprimer des remarques goguenardes sur la similitude confondante entre le détective et un chien de chasse…
Mais ils doivent reconnaitre son esprit supérieurement intelligent, médusés par sa brillante séance de déduction purement holmésienne.
Holmes leur dresse un portrait très précis du meurtrier : grand, gaucher, boitant du pied droit, portant des chaussures à bout carré, fumant des cigares indiens avec un fume-cigare! Imparable !
Résumé : Sortis des vapeurs d’un bain turc, Holmes et Watson sont consultés par le colonel James Damery, émissaire d’un haut personnage qui veut garder l’anonymat. Il leur demande d'empêcher le mariage de Violet de Merville avec un homme très dangereux, le baron Gruner.
Sherlock Holmes connaît cet individu, surnommé "l’assassin autrichien", "l'homme le plus dangereux d'Europe", dont les précédentes épouses ont péri dans d'étranges circonstances et qui a toujours échappé à la justice.
Mais convaincre la jeune femme est tâche difficile, car Gruner est un homme mondain et séduisant, qui a eu l’intelligence de lui révéler son passé, en se montrant la proie de calomniateurs.
Même l’infortunée Kitty Winte, victime de la barbarie de Gruner, ne parvient pas à la convaincre.
Sherlock Holmes a besoin d'une preuve tangible contre lui : son journal, livre obscène de ses conquêtes féminines, témoignage de sa luxure et sa débauche. Mais le baron avait menacé Holmes des pires représailles et met son plan à exécution.
Les cris des vendeurs de journaux retentissent dans Baker Street : "Attentat criminel contre Sherlock Holmes !".
Watson trouve son ami en piteux état, meurtri et contusionné. Il leur reste une dernière chance pour pénétrer chez Gruner. Son point faible pour les porcelaines chinoises. Watson parviendra t-il à faire illusion et Holmes a récupérer le fameux carnet ?
Sherlock Holmes ne mène pas d'enquête à proprement parler, mais sert d'émissaire, avec sous jacente, sa volonté de punir Gruner. Et c'est grâce à ses relations dans la pègre des bas-fonds londoniens de l'East End, que le détective pourra y parvenir.
La richesse visuelle de l'épisode nous offre des scènes fameuses : les bains turcs ou l'agression de Holmes filmée comme un spectacle d'ombres et bien chorégraphié. Sherlock Holmes s'est souvent trouvé confronté à des hommes dangereux. Le danger ne lui fait pas peur. Il se soucie peu de sa sécurité et n'hésite pas à prendre des risques. Mais cette fois, malgré sa dextérité à manier la canne à bout plombé, le détective est laissé sur le carreau par ses deux assaillants.
C'est la première fois qu'il est sérieusement amoché ! On est loin de l'image habituelle de Holmes, infaillible et invulnérable. En position de faiblesse et de victime, il suscite la pitié. Tête bandée, yeux pochés, visage tuméfié, même alité, Sherlock Holmes dirige encore les opérations.
Une pointe d'humour à la fin, quand Watson veut révéler fièrement qui est l'illustre client à Holmes, qui le sait depuis longtemps...
La confession de Kitty dans le fiacre est une scène clé dans l'intrigue. L'existence du carnet secret donne enfin au détectve un moyen d'agir sur Gruner. Cette séquence véhicule beaucoup de force et d'émotion. Holmes se montre compassionnel et protecteur envers Kitty. Dans un geste inattendu de sa part, il la réconforte en la serrant contre lui et semble ressentir sa douleur.
Kitty est une prostituée, mais il la traite avec respect et égards, il la salue d'un "madame" très doux à leur rencontre à Baker Street. Son attitude sans préjugés est courageuse et avant-gardiste, faisant fi des convenances pour un homme de sa classe sociale et de son époque.
Finalement Kitty a pour lui plus de grandeur d'âme et de noblesse de cœur que Violet de Merville. Holmes ne cache pas sa répugnance à l'égard de la fiancée de Gruner, qui se montre glaciale et totalement insensible. Il la laisserait probablement à son sort, s'il ne devait s'aquitter de sa mission...
Dans cette histoire Watson forme avec Holmes, un véritable tandem où ils sont associés à part entière. On ressent toute la solidité de leur amitié dans l'épreuve. Watson est prêt à tout pour venger son ami. Très motivé, il prend son rôle à cœur et montre toutes ses capacités. Il s'implique vraiment, questionne Sir James (c'est "notre" travail), prend des initiatives, affronte l'ennemi dans son domaine quitte à risquer sa vie. Et réussit à devenir un spécialiste des porcelaines chinoises en moins de 24h !
Ici, apparaît le côté protecteur de Watson, soucieux de la santé de son ami. Holmes, pour une fois, n'a pas la prérogative. Il doit obéir aux ordres du médecin. Ainsi, quand il demande sa pipe à Watson, celui-ci lui fait comprendre que, dans son état, il devra s'abstenir. Holmes lui répond : "Very well... doctor", en insistant sur ce dernier mot. Mais, derrière cette résignation forcée, il semble dire : "D'accord Watson. Je sais que c'est pour mon bien, mais n'abusez pas trop de la situation... " ! L'épisode témoigne de la totale confiance et reconnaissance de Holmes envers son cher Watson.
La rencontre entre Holmes et Gruner à Vernon Lodge, rappelle le face-à-face avec Moriarty.
Même voix doucereuse, mêmes menaces à peine voilées, mêmes échanges de regards (celui de Holmes très impressionnant). Mais Gruner n'a pas la "noblesse" de Moriarty. Dégoûté par le personnage, le détective le foudroie des yeux, laissant transparaître sa conscience aiguë d'être face à un être profondément maléfique et amoral. Il le méprise en corrigeant son anglais (dans la VO) et en pointant son manque de savoir vivre.
Dans la scène où Gruner met à jour son carnet secret en collant la photographie de Violet, il écoute "Don Giovanni" de Mozart.
L'illustration musicale, avec l'air où Leporello énumère les multiples conquêtes de son maître (1003 femmes !) n'est sûrement pas fortuite. Gruner présente des aspects communs avec Don Juan. Il collectionne les conquêtes féminines, manipule les femmes, les séduisant par ses discours mensongers. Il défie l'autorité et la morale (Gruner échappe à la justice pour ses crimes). Il est égoïste et destructeur, hypocrite, cynique et froid. Il use de menaces, de violence verbale et physique (Holmes l'éprouvera dans sa chair...) de sadisme envers Kitty. Et comme dans le célébrissime mythe, il sera puni par un châtiment exemplaire.
Dans la tragédie finale, on retrouve une autre allégorie. L'image du tableau de Gruner défiguré au vitriol, évoque le "Portrait de Dorian Gray".
Résumé : Sherlock Holmes prend très au sérieux la mésaventure qui est arrivée à Edith Presbury. En pleine nuit, elle a été terrorisée par une mystérieuse créature apparue à la fenêtre de sa chambre, pourtant inaccessible. Son père éminent professeur de physiologie, ne croit pas un mot de son histoire et son fiancé, secrétaire du professeur, Trevor Bennett, reste dubitatif.
Pourtant le comportement de Roy le chien de la maison, n'est plus le même et il a fallu l’enfermer. C'est ce qui intrigue le plus Sherlock Holmes. Pourquoi le chien s’est-il attaqué à son maître à des moments particuliers ?
Le professeur Presbury lui aussi a changé depuis ses fiançailles avec la jeune Alice Morphy. Plus dynamique et énergique, il devint également irascible et violent. Trevor Benett est très intrigué par des petites boites qu'il reçoit régulièrement. Que contiennent-elles de si spécial ?
Holmes remonte la piste grâce à un correspondant secret de Presbury et fait le lien entre ce Dorak et le vol de plusieurs singes du zoo de Londres.
L’explication du mystère révèlera une réalité délétère et dangereuse. Roy l'avait découverte et son instinct l'avertit d'une menace imminente...
Dès la scène d'ouverture, nous plongeons dans une ambiance ténébreuse et étrange. L'ombre d'une créature court dans la nuit noire au milieu d'un parc, un chien aboie fou de rage ... ou de frayeur ? Soudain une silhouette grimaçante se dessine dans une fenêtre, tirant une jeune fille du sommeil en hurlant de terreur... Nous semblons loin des enquêtes classiques du détective, et effectivement cette histoire est assez étonnante.
L'ambiance générale est plus violente qu'à l'accoutumée dans les comportements et les propos des personages. Holmes et Watson se chamaillent sur un ton acerbe, le professeur est grossier et insultant, Watson molesté et injurié par les malfrats de l'East End et traité de « gros lard » ! Tout le monde semble sur les nerfs...
Heureusement Sherlock Holmes se livre à ses brillants exercices de clairvoyance et de déduction. Sa ténacité et son instinct du danger lui permettront de résoudre cette affaire. Seules la logique holmésienne impeccable et la finesse psychologique, rendront l'incompréhensible, explicable.
A mesure de cette saison, la modernité fait son apparition et la société victorienne entre dans le 20ème siècle. Les épisodes précédents nous ont montré les premières voitures à moteur, le téléphone, le phonographe (L'Énigme du pont de Thor, L'illustre client) dans le cadre du capitalisme galopant et la révolution industrielle.
Ce dernier téléfilm évoque les prémices de la science et déjà ses premières dérives... Le côté pseudo scientifique de l'intrigue, les croyances positivistes reflètent le climat troublé d'une époque. On atteint aussi les limites du scénario, avec cette histoire irréaliste (surréaliste ?) qui flirte avec le fantastique. Mais n'oublions pas l'attirance de Conan Doyle pour le surnaturel et l'étrange. Sa culture scientifique, sa curiosité inlassable, son imagination fertile.
C'est l'époque de la publication de « L’étrange cas du dr Jekyll et de M. Hyde », laissant entendre que le démon pouvait s’emparer des membres les plus honorables de la société. Tandis que la doctrine de l’évolution de Darwin ébranlait les certitudes religieuses et morales.
Dans cette sombre histoire, on trouve quelques belles scènes. Séquences observation et déduction; lorsque Holmes se sert de sa montre comme miroir pour déchiffrer sur le buvard de Presbury, fait de savants calculs avec des dates particulières, ou quand, plongé en pleine nuit dans des lectures scientifiques, réalise ce qui se passe.
Séquences humour grinçant spécifique à Holmes lorsqu'il 'invite' Watson à Baker Street : "Venez immédiatement si possible. Si impossible venez quand même" ou décalé dans les rapports entre Holmes intransigeant et Watson exaspéré, ou comique dans la boutique de Dorak, ou léger avec le petit automate qui reprend le générique de fin.
Comme dans Le Mystère de Shoscombe, un chien joue un rôle essentiel en se montrant très utile dans l'enquête du détective. Pour Holmes, le chien est le reflet d'une vie familiale et il ne fait jamais d'erreur.
Petits plus : La fidélité a toujours été la préoccupation de Jeremy. Sa gestuelle était parfois théâtrale à cause de la difficulté de jouer pour le format télévisuel après un an sur scène, ou d'un manque de direction ferme.
Dans cet épisode, Jeremy regretta d'avoir cédé au réalisateur en tournant la scène où Holmes écrase sa cigarette dans son œuf à la coque. Il trouvait ce geste choquant, totalement inapproprié et indigne du grand Sherlock Holmes. Il aurait souhaité ne jamais l'avoir fait…
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