Les longs métrages de la Granada

Sources : le site consacré à Jeremy Brett 

Hors - Série - 1987 - Premier Long Métrage

1. Le signe des quatre : The Sign of Four

L'histoire :

Mary Morstan, demande à Sherlock Holmes d'enquêter sur la mystérieuse disparition de son père, officier aux Indes, il y a dix ans. Quatre ans après ce drame, elle a reçu une perle de très grande valeur. Ce don anonyme fut renouvelé chaque année, avec cette fois une lettre qui lui donne rendez-vous au Lyceum Theatre, accompagnée de deux amis. Sur place Holmes et Watson font connaissance de l'extravagant Thaddeus Sholto. Son frère jumeau et lui ont découvert le fabuleux trésor d'Agra caché par leur père et souhaitent en faire bénéficier Mary. Mais à Pondichery Lodge, Bartholomew Sholto a été assassiné dans des circonstances inexplicables. Le trésor a disparu ! La signature du "Signe des Quatre", les empreintes d'un homme avec une jambe de bois et d'une autre créature, mettent Holmes sur la piste d'une vengeance. Grâce au chien Toby et aux Irregulars de Baker Street, elle aboutit au bateau l'Aurora. Une course poursuite s'engage sur la Tamise. Quel pacte secret fut scellé jadis en Inde ? Quel destin frappa l'unijambiste Jonathan Small et son étonnant compagnon Tonga ?

 

 

Petites anecdotes :

L'intention première de Granada était d'introduire la série avec ce long-métrage spécial. Finalement la chaîne ITV avait refusé ce format pour des raisons budgétaires et aussi par crainte de lasser les téléspectateurs avec une histoire trop longue et tournée par une équipe encore inexpérimentée.


Le film ne sera donc porté à l'écran qu'en 1987, après le Dernier Problème. Ainsi Granada se décida pour deux heures de film.

 

Cette adaptation classique et de qualité, reste dans l'ensemble fidèle au texte de Conan Doyle.


Deux éléments importants de la nouvelle ont pourtant été supprimés. L'habitude de Holmes de se droguer pour tromper l'ennui qui l'accable entre deux enquêtes. Granada avait déjà utilisé le célèbre dialogue entre Holmes et Watson sur la "solution à sept pour cent de cocaïne", en ouverture d'Un Scandale en Bohème. Pensant que ce synopsis ne serait peut être jamais utilisé, le pilote de la série brossait ainsi un portrait complet du détective. Le scénario du Signe des Quatre fut modifié pour ouvrir d'emblée sur l'arrivée de Mary Morstan au 221b et sa mystérieuse histoire.


L'autre élément est Mary Morstan qui épouse Watson. Granada tenait absolument au concept que Holmes et Watson restent célibataires. La grande force des histoires de Conan Doyle, réside dans l'amitié solide entre les deux hommes, "la plus grande histoire d'amitié de toute la littérature", selon John Hawkesworth. On a pu dire qu’ils formèrent le seul couple heureux de l’Angleterre victorienne ! Voyez les nombreux slash !

 

Jeremy allait aussi dans ce sens. Dans la série, leur duo n'aurait plus fonctionné avec la présence d'une femme. D'ailleurs Watson aime l'excitation, le danger que lui offre son ami et il n'aurait pas pu l'abandonner à son sort. Rien ne pouvait donc altérer leur relation indéfectible, pas même la ravissante Mary. Toute en nuances et retenue, la prestation d'Edward Hardwicke fait bien passer la montée touchante des sentiments du docteur envers la jeune femme. Leur complicité est immédiate. Malheureusement, le tendre Watson voit s'éloigner avec regret  celle qui aurait pu être la femme de sa vie...

 

Le script n'a pas cherché non plus à souligner un autre aspect de Holmes : sa misogynie. Pourtant, elle était très claire dans la nouvelle de Doyle où notre détective proclame son aversion des femmes et se révèle un misogyne de premier ordre. " Je ne me marierai jamais de peur que mes jugements n'en soient faussés."

Dans le film, on constate seulement son indifférence aux charmes de la belle Mary Morstan, qu'il a tout juste remarquée...

 

 

Les Irréguliers de Baker Street ("Baker Street Irregulars" parfois traduit en français par "Francs-tireurs de Baker Street") interviennent régulièrement dans plusieurs romans et nouvelles de Sherlock Holmes. Dans cet épisode, nous retrouvons les Irréguliers qui jouent un rôle particulièrement important, notamment dans la recherche du bateau "Aurora" sur les quais.

 

Il s'agit d'un groupe de gamins des rues qui vivent aux alentours de Baker Street. Ils secondent Holmes dans ses enquêtes en se rendant un peu partout dans Londres, en posant des questions, cherchant des indices, espionnant les suspects et menant des filatures. Leur chef se nomme Sam Wiggins.

 

Holmes rémunère leurs services au tarif d'un shilling par jour (plus les frais) et leur alloue une guinée (soit 21 shillings) pour toute découverte importante. Ils apparaissent pour la première fois dans "Une étude en rouge" (1886). Sherlock Holmes apprécie beauboup ce groupe de gamins, auquel il semble même témoigner de l'affection.

 

 

Holmes excelle dans l'art du déguisement. Il est très doué pour se transformer physiquement, grâce au maquillage et des postiches, en adoptant des postures, changeant sa voix et prenant des accents. Il passe ainsi totalement inaperçu. En fait, il est constament en représentation, aime surprendre ses clients et son ami Watson, qui lui même n'y voit que du feu et se laisse berner. Il avoue souvent être incapable de se refuser une note dramatique.

 

Ainsi, dans "Le Signe des Quatre" il se métamorphose en vieil officier de marine asthmatique pour enquêter sur les docks. Il révèle sa véritable identité de façon théatrâle, comme un tour de magie, devant Watson et l'inspecteur stupéfaits. "Vous auriez pu devenir un acteur, et quel acteur !" s'exclame Athelney Jones.

 

 

Ennuis de santé de Jeremy Brett :

Le tournage des Six Napoléons bouclé, Jeremy fit une sévère dépression. En 1986, il est admis à l'hôpital Maudesley dans le sud de Londres, connu pour traiter les désordres mentaux.


Edward Hardwicke se rappela cette période : "Je suis allé lui rendre visite à Maudesley, un lieu sinistre et dépressif, bien que les soins y soient très bons. Il était  là sous le nom de Huggins, car tout le monde était conscient que sa maladie ne devait pas être divulguée à la presse. Le pauvre homme… ils l'avaient vraiment abattu avec les médicaments afin de maîtriser l'élément maniaque de la maladie. C'était le problème avec Jeremy.  Quand vous l'appeliez au téléphone, et qu'il claironnait "Je vais merveilleusement bien", alors vous pouviez vous inquiéter. Mais à l'hôpital de Maudesley, quand je le vis, il était très inhabituellement calme. Je me souviens lui avoir apporté quelques stupides friandises, réalisant après coup combien cela était idiot. La nourriture était la dernière chose qui pouvait l'intéresser alors."

 

 

Malgré les précautions prises, les tabloïds firent écho de l'hospitalisation de l'acteur vedette. Le Sun titra : "Le Sherlock Holmes de la télé chez les fous." Une autre fois deux journalistes firent irruption dans sa chambre avec une caméra : "Mr Brett est-il vrai que vous avez le SIDA?" Cet incident bouleversa Jeremy. L'acteur resta à Maudesley pendant environ dix semaines.


Edward Hardwicke déclara encore : "La Granada réalisa que c'était vraiment affreux pour lui  là-bas, en dépit du fait qu'ils l'avaient remis d'aplomb, aussi très généreusement, elle le fit sortir et placer dans un établissement privé plus confortable. Je me rappelle lui avoir entendu dire une chose terrifiante à ce moment là. Terrifiante pour un acteur. Il  me dit un jour qu'il était réellement effrayé. Je lui demandais pourquoi. Il répondit : 'Parce que en m'équilibrant et en me calmant, je risque d'avoir perdu ma capacité de jouer.' Je comprenais cette peur et elle était bien réelle pour Jeremy."


Pourtant dès sa sortie de l'hôpital, Jeremy se rendit immédiatement à Manchester pour commencer le tournage du "Signe des Quatre".  A sa diffusion en Décembre 1987, la presse accueillit très favorablement le film, qui reçu l'approbation de la Sherlock Holmes Society of London, et le public, ignorant de sa maladie, retrouva le détective comme si de rien n'était.

 

 

Hors-série 2 - 1988 - Deuxième Long Métrage

2. Le chien des Baskerville : The Hound of the Baskervilles

L'histoire : Cette fois Sherlock Holmes est confronté à un cas qui semble dépasser ses compétences. Le docteur Mortimer lui demande de mettre fin à l'effroyable malédiction qui décime la famille des Baskerville, et de protèger son dernier descendant Sir Henry, dont l'oncle vient de succomber étrangement. On raconte que pour venger la mort d'une jeune paysanne, un chien monstrueux aux yeux de feu, serait sorti de l'Enfer pour tuer son cruel ancêtre. Il erre depuis sur la lande...

 

Mais l'héritier actuel, revenu prestement du Canada, ne croît pas à ces balivernes. Pourtant, des évènements étranges le concernant se succèdent. Watson est chargé d'escorter Sir Henry jusqu'à Dartmoor et de rester vigilent. D'autant plus que le bagnard Selden s'est échappé de la prison voisine et se cache dans les environs. Tous deux découvrent une région enchanteresse et font la connaissance de leurs nouveaux voisins. En particulier Beryl, la soeur de Jack Stapelton un collectionneur de papillons, dont Sir Henry tombe amoureux.

 

Certains évènements sont plus inquiétants. Barrymore, le maître d'hôtel est surpris en train de ravitailler le bagnard en fuite et Watson aperçoit la silhouette ténébreuse d'un homme. En cherchant à le démasquer, il tombe sur... Holmes ! De sa cachette, le détective a observé le théâtre des opérations et découvert des éléments intéressants.

 

Jack Stapelton n'est pas celui qu'il prétend être et sa filiation est la clé du mystère. Holmes décide d'agir avant qu'il n'atteigne son but : assassiner Sir Henry. A la nuit tombée, sur la lande marécageuse, sera-t-il prêt à affronter la créature spectrale ?

 

 

Méchant chien ? Un élément important qui manque dans cette version de l'histoire, c'est le sens puissant du surnaturel qui peut à tout moment ébranler les certitudes rationnelles de Holmes.

 

Jeremy essaya cependant volontairement de montrer que son Holmes, contrairement au personnage du roman, n'est pas tout à fait sûr qu'il y ait une explication scientifique au mystère.

 

L’acteur estimait qu'il était important de laisser le public penser que, peut-être, Holmes pouvait croire en l'existence d'un chien surnaturel. Il déclara : « En tant qu'homme de raison, c'est un énorme pas à franchir, mais il est si perturbé par le trouble de Mortimer (un docteur et un homme de science) qu'il en arrive à penser qu'il peut y avoir quelque chose… ».

 

Cette interprétation aurait pu bien marcher si une ambiance de peur "gothique" avait imprégné le film, mais il n'y avait aucune raison pour que l'ombre noire du Chien puisse agir sur les évènements.

 

Le chien était d’ailleurs une brave bête d'un naturel très amical. C'était un grand Danois de près de 69 kg, du nom de Kahn, que Jeremy ne trouvait pas du tout effrayant et ne pouvait s'empêcher de caresser.

 

Malgré les effets de lumière verte phosphorescente, il était loin d'être terrifiant. Une tête de robot, à l'air plus féroce, avec des dents étincelantes et des yeux ardents, fut donc utilisée pour les gros-plans mais cela se voyait à peine.

 

 

Hors - Série 1992 - 1993 Troisieme Long Métrage

3. Le maître chanteur d'Appledore : The Master Blackmailer

L'histoire :

Sherlock Holmes est alerté des infâmes agissements d’un maître chanteur dans le milieu de l’aristocratie londonienne. Il profite de la cupidité des domestiques pour obtenir des lettres compromettantes écrites par leurs maitres richissimes.

 

Son identité reste inconnue, il a déjà causé beaucoup de mal depuis des années et continue de sévir. Toute résistance à son égard est vaine.

 

A cause de lui, le Colonel Dorking vient de se suicider, mais non sans avoir pu révéler son nom à Sherlock Holmes : Charles-Augustus Milverton - CAM.

 

Lady Eva Brackwell, qui doit se marier au comte de Dovercourt, est sa nouvelle vistime. Sherlock Holmes doit très vite récupérer les lettres qui mettraient en péril son mariage. Milverton en demande une somme exorbitante. Holmes cherche d'abord à négocier avec lui, puis tente de l'intimider avec l'aide de Watson. Mais l'homme est dangereux et sort un revolver.

 

Dans les jours qui suivent, Holmes se déguise en plombier du nom d'Escott et propose ses services à Appledore Tower, la propriété de Milverton. Il a trouvé ce subterfuge pour infiltrer les lieux, mais ne s'attendait pas à attiser les ardeurs de la jeune femme de chambre, Agatha, et encore moins à se fiancer avec elle !

 

Il met vite un terme à ses sentiments et son professionnalisme reprend le dessus. Avec Watson, il projette de cambrioler la maison de Milverton pendant le grand bal donné chez les Dovencourt. Ils croient profiter de son absence pour s'introduire dans son bureau, fouiller le coffre-fort et brûler les lettres.

 

Mais Milverton survient et ils ont tout juste le temps de se cacher. Il reçoit une femme qui se révèle être une de ses victimes. Que lui veut-elle ? Vont-ils réussir à s'échapper ?

 

Anecdotes :

Dans cette recherche, Jeremy Paul apprit qu'à l'époque où Doyle écrivit sa nouvelle, un individu moralement assez louche, sévissait à Londres. Il se disait l'ami de nombreux artistes. Il se nommait Charles Augustus Howell et beaucoup le soupçonnaient d'être un maître chanteur. Il est probable que Doyle se soit inspiré de ce personnage pour créer Milverton, "the king of all the blackmailers".

 

Le séariste suivit l'idée de Doyle et fit de Milverton un négociant en objets d'art, situation idéale  pour un tel scélérat, lui permettant d'être à l'aise dans la haute société et d'avoir accès aux secrets des plus faibles et des plus vulnérables.

 

Charles-Auguste Milverton :

Sous ses airs doucereux et affables, le cynique Milverton est plein de suffisance et de mépris, haïssable à souhait dans ses paroles et ses actes.

 

Depuis Moriarty, il est l'un de ses méchants à vous donner la chair de poule. Mais Holmes ne ressent pas le frisson glacial que lui instillait le défunt professeur, ni la forme d'admiration qu'il nourrissait pour lui. Il n'éprouve pour le venimeux Charles Augustus Milverton, que du dégoût.

 

La confrontation avec Holmes et Watson au 221b est une scène particulièrement réussie. On ressent la vive tension qui habite les deux hommes et plane dans la pièce. Holmes élabore une petite mise en scène pour tenter de déstabiliser Milverton.

 

Malgré son savoir-vivre le détective a du mal cacher sa répugnance pour ce personnage qu'il déteste. Et celui-ci refusant catégoriquement de négocier, il n'hésite pas à employer des méthodes plus radicales, aidé de Watson.

 

 

Holmes, gentleman cambrioleur ? :

Devant les hauts murs de la propriété où se retranche Milverton, nous voyons Holmes et Watson dresser le profil psychologique du maître chanteur.

 

Holmes remarque que Milverton a "construit sa propre prison." Watson lui répond que c'est "un homme qui déteste la race humaine." Holmes s'interroge sur les circonstances qui l'ont conduit à cela. Watson théorise, "Un garçon solitaire, élevé dans l'isolement, privé d'affection, probablement dans un faubourg de Londres.»

 

Comme cette description ressemble malheureusement à sa propre enfance, Holmes conteste : "Pourquoi pas Soho ou Leicester Square ? " "Parce que mon cher Holmes", explique Watson, "ces lieux, avec tous leurs vices, regorgent de chaleur, de générosité d'esprit, et d'humanité"…

 

Jouant une fois de plus avec la légalité, Holmes, comme dans « L'Illustre Client », n'hésite pas à mettre son honneur et sa vie en jeu pour aider les victimes.

 

L'implication de Watson est ici, très forte. Malgré ses réticences – excellente scène lorsque Holmes le convainc pour le cambriolage – il est un vrai partenaire, complice et même témoin muet d'un meurtre.

 

Dans le canon et dans cette nouvelle, Holmes avouait qu'il aurait fait un cambrioleur hors-pair s'il s'était dirigé vers cette voie...

 

Kiss me...

Il y a une scène qui m'a ébranlé dans ce feuilleton, c'est le baiser entre Holmes/Escott et la femme de chambre Aggie...

 

Le timide et chaste Escott doit avouer qu'il ne sait pas comment embrasser… ce qui pourrait nous ammener à penser que c'est aussi le cas de Holmes. Aggie prend le soin de le lui montrer. Et pendant ce baiser, nous voyons Escott – ou est-ce Holmes ? – gagné par l'émotion. Où est-ce mes yeux qui me trompent ? Où est-ce nous qui aimerions voir Holmes gagné par l'émotion ?

 

Pour la première fois, la carapace de Holmes semble s’être fissurée : "You’ve touched my heart" dit-il à Agatha ("Je crois que je vais t’aimer" en VF) et il montre ses sentiments. Mais la scène ne fonctionne pas très bien... Elle me laisse un goût amer en bouche. Et ce n'est pas moi qui embrassait la fille, pourtant.

 

Pour autant cette petite romance aurait pu être charmante et engendrer des moments tendres et drôles. Sophie Thompson apporte chaleur et humour à Aggie, la jeune et innocente femme de chambre. Pour ma part, je la trouve un peu cruche et pas très éveillée.

 

Son comportement suggestif et son béguin pour ce plombier pas très glamour, qui répare les canalisations déficientes, sont touchants. Elle tente de le défendre vis-à-vis de son maitre quand il a pénétré dans son sanctuaire privé et le gronde gentiment.

 

Holmes décide de se servir d’elle. Aggie se prête au chantage. Elle s'engage à répondre aux questions d'Escott à une condition, qu'il promette de se marier avec elle… Holmes est bien obligé de jouer le jeu. C'est bien la première fois qu'il doit gérer une telle situation en étant "confronté" à un simple baiser. Sherlock Holmes a de quoi être bouleversé. Surtout qu'elle l'invite dans sa chambre, en plus. Holmes/Escott y est-il allé ? Ont-ils fait ce que je pense qu'il a dû faire pour avoir accès à l'intérieur de la maison la nuit ??

 

Le bain dans lequel il se plonge aura une valeur symbolique, Holmes se débarrasse des odeurs de plomberie, mais également de son dévergondage et de sa culpabilité. Quand il émerge, les cheveux plaqués en arrière, il est à nouveau Holmes. Le dialogue avec Watson est cocasse. D'un air accablé, le détective raconte ses aventures et fait allusion à son dangereux rival ! Watson est horrifié. "Qu'en est-il de la fille ?"

 

Pour les spectateurs les plus romantiques, cette scène reste un moment émouvant. Le célibataire endurci Sherlock Holmes connait son premier et apparemment seul vrai baiser. Il parait même que certains téléspectateurs américains ont écrit à la productrice June Wyndham Davies pour avouer que voir le malaise de Holmes avec Aggie, les avaient aidé dans leurs problèmes intimes...

 

C'est une façon de dévoiler un aspect romanesque de Holmes. Loin de l'image habituelle, et d'apprécier un détective sensible aux charmes féminins, capable de gestes tendres.

 

Il reste plus vraisemblable que le détective ne recherche qu'à obtenir des informations pour les besoins de l'enquête. Holmes avoue ironiquement à Watson que c'était là "une étape nécessaire" et qu'il avait dû aller très loin. Et il joue son rôle à la perfection. Aggie ne lui a pas tourné la tête. Ses investigations terminées, il ignore totalement la pauvre fille pétrifiée, lorsqu'il retourne chez Milverton en tant que Sherlock Holmes. Lui a-t-elle seulement effleuré le cœur ?

 

 

Mon avis : Les terribles pièges, dans lesquels tombent les proies de Milverton, sont évoqués avec subtilité et justesse. Suicide, vie ruinée, mariage annulé… Milverton est sans pitié.

 

Pour le reste, la scène du baiser aurait dû être suggérée et pas montrée. On dirait deux ado qui se bécotent, les lèvres hermétiquement closes.

 

Dans la canon, Holmes signale juste qu'il a dû se fiancer à la femme de chambre de Milverton... Votre imagination fait le reste...

 

 

Hors - Série 1992 - 1993 - Quatrieme Long Métrage

4. Le vampire de Lamberley : The Last Vampyre

 

L'histoire :

 

Le Révérend Merridew vient solliciter l’aide de Sherlock Holmes à propos d'une série d’évènements étranges et de morts inexpliquées, survenue dans sa paroisse de Lamberley, depuis l'arrivée d'un étranger, John Stockton. Des rumeurs courent à son sujet.

 

Toute la communauté est saisie par la peur et le malaise, depuis la résurgence d'une légende ancestrale. Stockton serait-il le descendant de St Clair, l’homme vampire, brûlé vif dans son château par les villageois au siècle dernier ?

 

Apparemment, son seul désir est de restaurer les ruines de l’ancienne demeure afin de s’y installer.

 

En pragmatique, Holmes décide de se rendre dans le Sussex. Il veut surtout éviter que l’on n’enfonce un pieu dans le cœur de Stockton.

Holmes rencontre un homme inquiétant et fascinant, qui s’intéresse aux traditions anciennes, à l’ésotérisme et tient des discours troublants.

 

Le détective ferait-il fausse route en ne se fiant qu'au rationnel ? Profondément troublé, Holmes est-il, lui aussi, victime des pouvoirs mystérieux de cet homme ?

 

 

Ce qu'il faut savoir :

 

Début janvier 1992, June Wyndham Davies fut contactée par les programmateurs londoniens pour réaliser encore deux épisodes de deux heures. Ce fut une surprise pour elle et pour l'équipe de Granada. Ils avaient bien des scénarios d'une heure en réserve mais rien qui puisse correspondre à la demande.

 

Jeremy Paul fut sollicité. Il déclara : "On me demanda d'écrire un scénario spécial en trois semaines. Je devais choisir l'histoire. J'ai accepté et j'ai choisi "The Sussex Vampire" et je me suis lancé dans ce projet".

 

Mais dans cette nouvelle, il n'y avait pas beaucoup d'éléments à développer, contrairement à "The Adventure of Charles Augustus Milverton". Le récit est en effet l'un des plus courts du Canon et l'un des plus psychologiques. Ce n'était qu'une maigre intrigue au titre plutôt trompeur.

 

Le scénario final s'en éloigne tant, qu'on peut le considérer comme un pastiche de Holmes contenant seulement quelques lambeaux du texte d'origine.

 

Jeremy, conscient qu'à présent ils allaient naviguer dans un territoire inexploré, l'appela "the pretend Doyle", un concept qu'il n'aurait pas approuvé deux ans plus tôt. Même l'éditeur du script, Craig Dickson, admit que cet épisode était éloigné du texte de base comme jamais auparavant.

 

Etrange ! Baroque ! Bizarre ! Ce quatrième long-métrage, très atypique, a beaucoup surpris et dérouté le public. Le scénario gothique a été assez mal accepté, car malheureusement, il ne satisfait ni les holmésiens, ni les amateurs de films de genre. L'intrigue est mince et opaque.

 

Holmes est plutôt là en tant qu'observateur et non enquêteur. L'histoire est très dure et tragique : l'enterrement d'un enfant, le suicide d'un autre, des morts violentes.

 

Néanmoins, le film tente de garder un esprit doylien dans les thèmes abordés. En effet, Conan Doyle, apparemment modèle d’esprit rationaliste, connut une véritable fascination pour le monde occulte et se passionna pour les phénomènes parapsychologiques et le spiritisme au point d'abandonner tout esprit critique. D’où ses réflexions : il ne faut pas déclencher le Mal, il risque de nous emporter; il est nécessaire de combattre le Mal, même s’il est incroyable.

 

Doyle aimait à montrer que, derrière les apparences, se cachait souvent une réalité autre. Le scénario a donc voulu donner cette connotation fantastique et étudier les croyances en l’existence des manifestations surnaturelles et la complexité psychologique des relations humaines.

 

On retrouve ces aspects à mesure du drame. Le pouvoir de suggestion et de manipulation, la crédulité des gens, la résurgence de croyances ancestrales, de superstitions – Stockton ne dort jamais et erre la nuit dans le cimetière... donc c'est un vampire ! – S'ensuit une sorte de "psychose collective" où bêtise et méchanceté des gens attisent une haine grandissante, voire meurtrière.

 

Jeremy était loin d'être heureux durant le tournage : "Je sors du gouffre. Vous voyez je ne peux pas faire mon truc habituel de redonner vie à Doyle dans les répétitions. La première semaine de répétitions a toujours été pour moi la semaine de retour servile à l'histoire de Doyle, supprimant toutes vraies déviations au Canon. A présent, je ne suis plus capable de le faire. Si je fais une critique, je suis en train de critiquer Jeremy Paul, pas Doyle. Ce n'est plus du tout le Canon. Nous le réduisons en lambeaux."

 

Au moment du tournage en mai 1992, Jeremy était en surpoids et se remuait avec difficulté sous une chaleur pesante, enveloppé dans son grand manteau noir. Dehors, sous le soleil, il portait une ombrelle pour être un peu à l'ombre, et une assistante tenait devant son visage un ventilateur portable afin que son maquillage ne coule pas !

 

Jeremy insista pour porter du noir, bien que Holmes, étant à la campagne, aurait pu opter pour une couleur de vêtement plus claire. "Le noir aide à dissimuler l'embonpoint" admettait-il " Je devais cacher mon surpoids. Je ressemblais à un gros Bouddha. Je ne supportais pas de me voir me dandiner sur le plateau du Last Vampyre".

 

Jeremy était également triste qu'il n'y ait pas de Mrs. Hudson dans le film. Il aimait toujours avoir l'actrice Rosalie Williams, qui jouait la logeuse de Holmes, sur le plateau. Il lui était très attaché. "Elle est la seule femme avec qui j'ai une relation régulière en tant que Holmes. Nous commençons également à manquer d'esprit de déduction. Je suis réellement en manque de véritable travail de détective. Trop de situation repose sur l'intuition."

 

Les articles sur le film furent les pires que les séries aient obtenues à cette date. The Daily Mail  écrivit en titre "Ahurissant Mr. Holmes" et se plaignit que non seulement l'intrigue fut tout sauf "impossible à dénouer" mais aussi qu' une certaine confusion venait du physique similaire des deux acteurs, Jeremy Brett et Roy Marsden, l'un et l'autre pouvant passer pour le Comte Dracula.

 

The Daily Telegraph, tout en félicitant Brett et Hardwicke de leur interprétation de Holmes et Watson, observa "qu'une chose est d'avoir des stars de vingt-quatre carats, une autre est de savoir les utiliser correctement…"

 

Le film a été considéré comme une sinueuse pièce du Gothic Victorien, qui ne respectait ni la lettre ni l'esprit de l'original de Conan Doyle. Le monde de Holmes est avant tout un monde rationnel. Faire que le Grand Détective ait à se débattre avec des personnages investis d'un mal mystérieux, défiant toute explication rationnelle, fut un non-sens.

 

 

Mon avis : Voici un long-métrage que je n'aime pas du tout. Il ne ressemble à rien.

 

 

 

Hors - Série 1992 - 1993 - Cinquième Long Métrage

5. Le mystère de Glavon Manor : The Eligible Bachelor

 

L'histoire :

 

Lord Robert Saint Simon, chatelain de Glavon, se rend au 221b parce que la femme qu'il a épousée, Henrietta Doran, fille d'un millionnaire américain, a disparu le jour de leur mariage. On a seulement retrouvé sa robe dans la Serpentine.

 

Malheureusement, Sherlock Holmes n'est guère en état de le recevoir. En proie à un horrible cauchemar récurrent, sa santé physique et mentale semble menacée. Son intérêt s'éveille néanmoins en entendant le récit de la rencontre de St Simon avec cette jeune Américaine et du trouble qu'elle a montré soudain à l'église.

 

Un mystère de perversion et de folie semble planer autour de l'aristocrate.

 

Holmes apprend que l'actrice Flora Miller a failli le tuer d'une balle. Quel est le motif de sa haine envers lui ? Quel secret cache la mystérieuse femme voilée de noir, qu'il a croisée à plusieurs reprises ? Holmes découvre alors que le noble célibataire a déjà été marié et que ce n'est peut être pas la première épouse qui disparait...

 

 

Ce qu'il faut savoir :

 

Cet épisode aussi sombre qu'un opaque brouillard londonien est très déconcertant. Tiré d'une médiocre nouvelle de Doyle, "The Adventure of the Noble Bachelor", le scénario fut confié à un habitué des séries, Trevor Bowen. Il re-titra l'histoire afin de l'éloigner du texte original.

 

Elle mêla finalement deux nouvelles de Doyle "La Pensionnaire Voilée" et "L'Aristocrate Célibataire" et s'inspira même du "Ruban Moucheté" pour les animaux sauvages. Ce téléfilm étrange, qui ressemble à un grand opéra alambiqué, est considéré comme le plus mauvais de la série Granada et a reçu une très rude critique, confirmant l'idée que le format long-métrage n'est pas bien adapté.

 

Le scénario tarde à mettre en relation les différents protagonistes en nous plongeant dans une première partie assez pénible. Il installe une ambiance pesante, une aura de folie teintée de fantastique. Les errances nocturnes d'un détective torturé dans l'East End, les cris déments, les rires hystériques, les cauchemars psychédéliques sont douloureusement supportables...

 

Jeremy est visiblement très malade, son état l'empêche de bouger convenablement, ce qui accentue le trouble. Lui-même se sentit mal à l'aise pendant la projection du film.

 

Les scénaristes ont voulu montrer une autre image du personnage de Sherlock Holmes.

 

Fragilisé, souffrant d'une étrange mélancolie, il est tiraillé entre raison et hallucination. Il expérimente des rêves prophétiques inquiétants, inexplicablement connectés au principal mystère qu'il est finalement en train d'étudier.

 

Un moment très humain et bien interprété, lorsque Holmes se retrouve à la porte de Baker Street au petit matin. Mrs Hudson qui semble l'avoir attendu toute la nuit, lui ouvre avec son trousseau oublié. Holmes, ne s'excuse pas vraiment, mais tout dans son attitude lui demande pardon, tel un enfant grondé.

 

 

 

La scène humide :

 

La "scène du baiser" entre Holmes et Agatha a marqué « Le Maître chanteur d'Appledore », la "scène de la chemise de nuit" a stigmatisé « Le Mystère de Glavon Manor »… 

 

David Stuart Davies interviewa Jeremy sur le plateau, la veille du tournage de cette fameuse scène : sous une pluie battante, Holmes se précipite dehors dans Baker Street, seulement vêtu de sa longue chemise de nuit blanche et de sa fine robe de chambre, pour tenter d'apercevoir la mystérieuse femme voilée.

 

Il parvient à ramasser son calepin, qu'il croit être un précieux indice, après s'être vautré dans le caniveau boueux…

 

Jeremy était plein d'enthousiasme au sujet de cette séquence et très excité avant de la tourner : "Je suis vraiment impatient de cette prise. Cela va être un bon moment". Jeremy ne se rendait pas compte que c'était avilissant pour le personnage de Sherlock Holmes – en tant que création de Conan Doyle – et pour lui-même… La scène n'avait rien de crédible, était inutile à la compréhension de cette intrigue compliquée. Elle était regrettable et affligeante. Quand Jeremy évoqua à nouveau cette scène dans la dernière interview qu'il accorda à David Stuart Davies en 1995, il gémit :" Oh, la scène de la chemise de nuit ! Quelle abomination ! J'aimerais ne l'avoir jamais faite. Quand je l'ai vue, j'ai mis ma tête dans mes mains avec horreur. C'est si mauvais".

 

Jeremy, dans son état d'esprit instable, croyait qu'il avait ajouté de nouvelles dimensions à son interprétation de Sherlock Holmes.

 

En fait, il était en train de détruire sa crédibilité et sa fidélité. Il était choqué par les critiques du film mais encore plus par celles de Dame Jean Conan Doyle.

 

 

 

 

Mon avis : on passe ! Non, je n'aime pas cet épisode, voir ce magnifique acteur réduit à néant à cause de sa maladie, ça fait mal aux tripes. Jeremy en prend un sacré coup et Holmes aussi.